Le nouveau Déluge by Noëlle Roger

Le nouveau Déluge by Noëlle Roger

Auteur:Noëlle Roger [Roger, Noëlle]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Aventures, Fantastique-Science-Fiction-Anticipation, Société, Littérature suisse romande et des régions voisines, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2024-02-12T00:00:00+00:00


VI

DES HOMMES !

Désormais la pensée de l’homme condamné sur l’étroit rocher battu des flots hanta les habitants du vallon de Susanfe. Chaque soir ils se demandaient : « Est-il encore vivant ? » Ignace gravissait les pentes de la Chaux d’Anthémoz, et, lorsqu’il annonçait au retour : « Il est toujours là ! Je l’ai vu remuer… », un soupir de soulagement s’échappait des poitrines.

Parfois, le berger disait avec une terreur frémissant dans sa voix :

— Il ne bougeait plus… Peut-être qu’il dort… ou peut-être…

Il n’achevait point. Mais au coucher du soleil, sitôt qu’il était revenu des Portes Neuves, on le voyait gravir en courant l’abrupte rampe. Et bientôt on entendait sa voix joyeuse tandis qu’il bondissait au milieu d’un torrent de pierres que ses pieds déchaînaient :

— Je l’ai vu qui marchait sur le rocher !

Hubert se demandait comment il était possible que la vie ou la mort de cet inconnu les passionnât à ce point, eux qui avaient vu détruire un tel nombre de vies humaines ! Désormais, cette figure invisible habitait le vallon, leur dispensait ils ne savaient quelle obscure espérance.

Ce jour-là était un dimanche…

M. de Miramar tenait avec minutie le compte des jours sur la paroi lisse d’un rocher. Et les jeunes gens, tacitement, imitaient les Valaisans qui, le dimanche, ne travaillaient pas.

Max entraîna sa femme jusqu’au flanc du col de Susanfe. Il aimait la grandeur désolée de ce paysage de schistes, les perspectives interminables de la Dent du Midi dressant comme un désert vertical les longues pentes monotones qui venaient se souder au col. Il faisait doux, quoiqu’on fût à la fin d’octobre. La neige oubliait de tomber. Innocente et le vieil Hans en demeuraient stupéfaits.

Max et Eva s’assirent sur les cailloux tièdes. Ils regardaient les touffes de saxifrages, dernier effort de la vie végétale, clairsemées le long des pentes, taches rousses et dorées qui semblaient au milieu de l’ombre des rayons de soleil attardés. Ils rêvaient sans rien dire et leurs rêveries se pénétraient dans le silence. Ils regardaient le ciel plus bleu que le ciel méditerranéen et ils songeaient au temps des vacances lointaines où l’on allait chercher le long des plages ou dans les montagnes l’illusion de la liberté, cette liberté dont ils commençaient à comprendre les âpres délices.

Eva regarda Max et sourit. Où donc était son âme distraite de jeune fille trop heureuse ? Elle savait maintenant que l’amour réclame la solitude et le silence : il se révèle alors avec sa figure secrète, ses accents qui se multiplient à l’infini. Il grandit comme une plante que chaque jour se plaît à parer. Et il suffit, lui seul, à combler le cœur d’une félicité toujours renouvelée. Sur leur vie dépouillée une lumière magnifique s’épandait, plus radieuse d’être l’unique lumière…

Eva, craignant d’affaiblir avec des mots ce sentiment de plénitude, se taisait. Ou bien elle disait doucement de très petites choses qui rompaient de loin en loin leur merveilleux silence :

— Je voudrais monter avec toi sur ces montagnes, Max.

Il souriait, partageant l’émotion qui la laissait si tendre et si tremblante.



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